Le marché de l’art post Covid

2021 - Le marché des beaux-arts en mutation

À la suite d’une année 2020 sous tension, le début de l’année 2021 voit un marché de l’art perturbé, fébrile, voire endeuillé. De nombreux petits acteurs ont été les victimes du bouleversement historique provoqué par la pandémie ; tandis que les vendeurs d’art de renom doivent leur salut à la réussite d’une transformation digitale aussi risquée que fulgurante.

À l’échelle mondiale, la crise du Covid a rebattu les cartes du marché de l’art en 2020 provoquant de profondes modifications en 2021.

L’Asie domine le marché mondial des beaux-arts

La situation du marché asiatique est la grande surprise du bilan 2021. Malgré la sévérité des mesures sanitaires gouvernementales, l’Asie sur-performe sur le marché de l’art et totalise 40 % du volume de vente mondial. L’est du globe confirme ainsi la solidité et le dynamisme de son marché malgré un contexte compliqué.

Parmi les places qui comptent, Hong Kong devient le pilier du marché oriental en annonçant des résultats impressionnants. Un taux d’invendu de 10% (face aux 30% de l’Occident) tout en affichant 129 transactions à 6 chiffres ou plus.

Hong Kong, leader mondial du marché dans la vente des beaux-arts en 2021

Pour se hisser au premier plan, Hong Kong a notamment profité du travail de trois acteurs majeurs. Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont œuvré des années durant pour ouvrir le marché de l’art oriental aux grandes signatures de l’art moderne occidental. Un mouvement réussi que le succès de Basquiat illustre à lui seul. En 2021, les œuvres de l’artiste vendues sur le marché asiatique représentent 118,2m$.

Prince a également profité de cette percée des artistes occidentaux sur la place orientale, enregistrant une vente record à Hong-Kong qui a vu “Runaway Nurse” s’échanger à plus de 12m$, détrônant, les performances détenues jusqu’alors par New York.

La place asiatique la plus en vue de 2021 a, par ailleurs, très bien réagi au déplacement du marché de l’art sur Internet. En effet, conscients que le marché de l’art se poursuivait en ligne, de nombreux collectionneurs ont choisi de se familiariser avec les nouvelles technologies. Cette nouvelle mouvance a ainsi contribué à décloisonner le marché de l’art, provoquant une concurrence accrue entre les collectionneurs du monde entier. Et cette compétition digitale a été essentiellement dominée par le marché asiatique.

Enfin, quelques jeunes artistes contemporains qui, jusque-là, profitaient d’une notoriété grandissante sur les places fortes occidentales se sont vu consacrés en Asie pour la première fois. Preuve s’il le fallait du virage négocié en 2021 par le marché de l’art moderne post Covid.

Ailleurs en Asie

Séoul et Tokyo ont également participé à l’essor du marché de l’art oriental. S’inspirant du modèle de leur grande sœur, ces deux villes ont profité du chemin tracé pour s’affirmer comme des places incontournables du marché de l’art en s’appuyant sur l’émergence d’une nouvelle génération de talents nationaux.

Quelques records établis sur le marché de l’art asiatique en 2021

  • Warrior (1982) signé BASQUIAT a été adjugé pour 41,6m$ à un collectionneur asiatique
  • Runaway Nurse, l’oeuvre signée PRINCE a vu son prix de vente culminé à 12,1m$
  • La vente des œuvres de Yoshitomo NARA ont atteint des revenus de plus de 137m$
  • Bamboo bamboo broadway (竹子 竹子 百老汇) par LIU Ye s’est échangé pour 12,6m$

 

En occident, New York mène la danse.

Bien que le marché de l’art ait été dominé par l’orient en 2021, le marché occidental a, lui aussi, connu un rebond impressionnant en 2021.

C’est sur la place de New York que les résultats ont été les plus marquants puisqu’on y constate des résultats jamais atteints pour le marché de l’art contemporain.

New York, la place dominante du marché de l’art en occident en 2021

Alors que le marché avait déjà montré des très nets signes de rétablissement au deuxième semestre de 2020, l’année 2021 a vu la tendance se confirmer pour totaliser 889m$ sur le seul secteur de l’art contemporain ; soit une augmentation de 113% seulement 18 mois après le début de la crise sanitaire.

Autre chiffre significatif, ce sont plus de 20.000 lots qui ont été échangés. Ce volume jamais atteint signe un nouveau record et se classe comme la place la plus attractive avec 87% de l’offre totale qui trouve preneur pour afficher un taux de part de marché de 58% sur le marché occidental.

Le Royaume-Uni deuxième, loin devant la France.

À titre de comparaison, le marché français n’a écoulé, quant à lui, que 57% des œuvres mises sur son marché. Ce qui classe la place parisienne troisième en termes de part de marché, (4%) après le Royaume-Uni qui totalise 28% de part de marché avec un produit de vente de plus 420m$.

Bien que les résultats du marché français semblent indiquer une perte de vitesse de son attractivité pour les collectionneurs, son dynamisme reste intact avec plus de 10.000 œuvres écoulées. La place hexagonale se caractérise par ailleurs par la physionomie de son marché sur lequel 82 % des œuvres échangées affichaient un prix sous le seuil des 5.000 €.

A contrario, la place londonienne a vu son marché boosté par des acquisitions d’œuvres très cotées. La nature très différente des marchés britannique et français explique aussi le fossé qui sépare les 60m$ de vente en France des 424m$ enregistrés côté londonien.

Les plus belles ventes réalisées sur le marché occidental :

  • Le portrait Femme assise près d'une fenêtre (Marie-Thérèse), réalisé par Pablo Picasso en 1932, s'est vendu 103,4m$ lors de la vente organisée par Christie's New York.
  • In This Case de Jean-Michel Basquiat (1983) a été adjugé à New York pour 93,1m$.
  • Le Portrait de jeune homme tenant un médaillon de Sandro Botticelli, atteint le prix de vente impressionnant de 92,2m$.
  • No. 7 de Mark Rothko s’est vendu pour 82,5m$ à New York.
  • Cabanes de bois parmi les oliviers et cyprès de Vincent van Gogh estimé à 40m$ a trouvé preneur pour 71,4m$ à New York

Les NFT, véritable courant ou phénomène spéculatif éphémère ?

2021 a vu un engouement inédit pour les NFT. Œuvres immatérielles associées à la technologie blockchain, les NFT ont profité du déplacement du marché de l’art sur Internet pour exploser sur le marché.

Si les résultats de vente obtenus en 2021 ont de quoi surprendre par les montants atteints par ce très jeune courant, les observateurs restent malgré tout prudents.

En effet, les esprits les plus critiques ne prêtent aux NFTs aucune dimension artistique, réduisant ces objets virtuels à de simples certificats de propriété. Ils vont jusqu’à alerter les collectionneurs en affirmant que le phénomène pourrait n’être que temporaire, porté par son caractère “hype” et purement spéculatif.

D’autres intervenants émettent une appréciation bien plus modérée au phénomène. Selon eux, comme la photographie qui n’a pas fait disparaître les œuvres picturales ou le cinéma qui n’a pas remplacé le théâtre, les NFT doivent être considérés comme un élément supplémentaire dans le panorama de l’expression artistique.

Quoi qu’il en soit, le devenir de ce mode d’expression artistique reste tributaire d’une technologie encore mal comprise par de nombreux collectionneurs. Si son émergence a fait couler beaucoup d’encre par l’engouement spéculatif qu’il a suscité, il reste un long chemin à parcourir à ce courant pour convaincre les puristes qui cherchent à acquérir des œuvres d’art sur des critères esthétiques et/ou émotionnels.

Quelques ventes de NFT surprenantes :

  • Les ventes de NFT en 2021 s’élèvent à 15,7 milliards de dollars.
  • Une œuvre du crypto-artiste, Beeple s’est vendue pour un montant record de 69,3m$.
  • En moyenne, les NFT s’échangeaient entre 100 et 1000 dollars en 2021.
  • Il a été vendu près de 4 fois plus de NFT en 2021 qu’en 2020.
Vente de NFT surprenante du crypto-artiste Beeple

The First 5,000 Days, Beeple (b. 1981), une œuvre du crypto-artiste, vendue pour un montant record de 69,3 millions de dollars, ©Christie's Images / Beeple

La saison 2022 s’annonce passionnante

Les changements de configuration du marché de l’art et sa transformation digitale semblent avoir permis au monde de l’art de faire le pas vers une concurrence globalisée.

Les marchands d’art auront la lourde tâche d’étendre leur vision pour consolider ou améliorer leur position.

Les collectionneurs, quant à eux, devront compter avec une ouverture du marché qui en toute logique risque de pousser les prix vers des dimensions supérieures.

Les artistes émergents ont, de leur côté, l’opportunité de profiter d’une plus grande indépendance pour imposer leur style et toucher les collectionneurs en direct.

Comment ces mouvements initiés en réponse à la crise sanitaire de 2020 vont-ils se comporter dans un contexte d’inflation généralisée aggravé par le conflit qui sévit à l’est de l’Europe ?

Nous ne manquerons pas de suivre l’évolution du marché de l’art dans les mois et années à venir et continuerons d’apporter aux collectionneurs les meilleures solutions de stockages et de sécurisation de leur collection.